L'Artiisant Production

Voilà le blog de L'ARTIISANT PRODUCTION, label associatif monocorpus créé en 2001. Peu à l'aise et de toute façon peu attiré par la modernité (argument capitaliste/escroquerie participative) je tente malgré tout de surnager avec ces outils informatiques aussi fiables qu'un défenseur du PSG. L'Artiisant n'a pas d'ambition affichée, peu de moyens, aucune subvention, aucun compte à rendre, ne se considère pas comme un "petit label", mais bien comme un "label". Il est grand temps d'arrêter les formules restricitives, les autoflagellations, les hiérarchies culturelles, les jugements quantitatifs. L'action n'a pas de mesure, pas de verre doseur, chaque acte est irrémédiable et participe à un tout. Le quotidien a plus de sens que le film du dimanche soir.

L'ARTIISANT PRODUCTION : 84 En Reculet 01250 RIGNAT . . . . . . . . . . elliottgabony@hotmail.com

Chroniques skeuds

HAROLD MARTINEZ
"Birdmum"
2012 - Socadisc
"Dead Man"
2014 - Socadisc

Chronique croisée des deux premiers albums de monsieur (messieurs*) HAROLD MARTINEZ. Le crocodile Nimois a sorti le terrible "Birdmum" en surnageant dans le deuil de sa mère. La sortie récente de l'album "Dead Man" m'a convaincu de chroniquer les deux d'un coup, je ne pouvais pas faire moins.
Sincèrement le premier opus semble intouchable même si le second n'est pas en reste. Les 9 titres de "Birdmum" sont d'une évidence absolue, dès les premières volutes de "Faith Healer". Au départ tout n'est que blues-folk traditionnel, des riffs basiques, des textes relativement simples. Oui mais -et c'est là que le talent fait la différence- les arrangements sont d'une qualité extrême : puissance des sons, harmonies pertinentes, orgue discret mais tranchant, voix à faire frissonner une pierre tombale... Les morceaux sont teintés d'une espèce d'ambiance vaudou, d'esprit indien, une couleur globale qui va chercher au fond de nos tripes des vibrations rugueuses qui font remonter au cerveau des sensations douces-amères. Ca ne veut pas dire grand-chose, certes, mais c'est ce que j'ai ressenti à la première écoute... et encore maintenant après la 117ème.
Le jeu de *Fabien Tolosa pour tout ce qui est batteries, percussions et productions apporte une profondeur incroyable et permet à l'album de dérouler son propos en toute cohérence sans tomber dans la redondance. Envoûtés, hypnotisés, immergés dans la transe que nous sommes.
En comparaison l'album "Dead Man" est moins profond dans sa forme. On retrouve ce blues-folk incantatoire et cette voix vibrante mais les arrangements sont plus simples, parfois presque attendus, l'ensemble se rapprochant finalement des univers pop et stoner (désolé de galvauder le terme), avec notamment des guitares lardées de distorsions typées fuzz ("Freedom Rider", "The Killers Crow") ou au contraire des cordes aériennes et des batteries moins creusées par les réverbes ("Wolf Feathers").
Les titres "Quicksand Boy", "Snake Dance" et "Unchained Waters" (mon préféré) du premier sont tellement puissants que les pourtant très bons "O Lord" et "Call Of Blood" du second sont presque frustrants.
Niveau esthétique des visuels on retrouve cette touche dépouillée et granuleuse, des dessins aux graphismes bruts, et des thèmes à la fois oniriques et très terre à terre : un centaure squelettique armé et aux aguets et un com-boy zombiesque qui fait de l'ombre à un pendu. Des visages impassibles pourtant très éloquents.
Au jeu des ressemblances musicales, on retrouve des airs plus ou moins prononcés de 16 Horsepower et Nick Cave pour l'album "Birdmum", un peu plus de Left Lane Cruiser voire Rroselicoeur période "Demios Oneiron" pour "Dead Man".
Quoiqu'il en soit le premier est indispensable, et dommage de se priver du second.
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JOE VITTERBO
"Sometimes you have to stick with the old school ways"
Eté 2012 - Young & Green Records

Il nous avait laissé sur un "Blind" en 2006, pièces expérimentales, bidouillées de bric et de broc et lorgnant du côté obscur de la force, revoilà le Vitterbo à ses presques premières amours : le hip hop. Ses aventures bruyantes avec Dupek suspendues en plein vol, le garçon s'est attelé non sans plaisir à la réalisation complète (musique, visuel, sérigraphie etc) d'un album plein, riche et inspiré. 23 titres mâtures où l'on retrouve sa patte de bricoleur musical qui pioche allègrement dans les plus beaux spots à champignons. Pas si éloigné de son "7 1/2 tries" de 2004 mais beaucoup plus groove et moins froid, un peu plus jazzy et un peu moins électro sur le feeling global, il a apporté une densité à ses arrangements tout en réduisant la durée des morceaux (de 1 à 3 minutes), en gros il a gagné en efficacité et en production.
Il attaque avec des titres bien groovy ("Five spot aftershow", "Groovy Harry") puis passe à quelque chose de plus teigneux ("Chippers", U know the name") et s'attarde sur des montages suaves voire langoureux où les voix et la contrebasse trouvent généralement leur place ("Til' it hurts", "Teenie weenie groovy"). Quelques récréations type jingles ("Welcome", "Conspiracy interlude", "Just a beat") qui aèrent l'ensemble, et mon petit préféré "Will you answer this time ?" qui trouve un équilibre parfait.
Pour le reste il faut noter le travail graphique avec une sérigraphie "maison", une approche pleine de légèreté appréciable, notamment le choix des titres ("Maybe you're too young to dance on this kind of groove") et évidemment le titre de l'album. Plus d'éclaircissements sur son travail à la page "Interviews".
NB : Pour info Joe Vitterbo c'est le nom de Stallone dans le film "La course de l'an 2000", vieux film de série B.
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BATON ROUGE
« Fragments d'eux-mêmes »
Automne 2010 - Pure Pain Sugar/Bakery Outlet

01.Tous seuls 02.Sur un banc 03.Cloaca 04.Que les fils 05.Ca colle à la peau 06.Des chemins balisés 07.Aérosols 08.Collecter les sons.

Fragments, tranches de vie, anecdotes, introspection. Un album personnel, humain, qui attaque sans coup de semonce. Les 4/5èmes de Daïtro savent y faire, et même si on peut parler de « concept-album » tant ses narrations se suivent et s'assemblent, on sent une spontanéité efficace, une urgence qui ne laisse que peu de place à une intellectualisation surfaite.
On prend son pied avec « Sur un banc » et le tubissime « Que les fils », deux pièces d'une évidente évidence, ainsi que le doux-amer « Ca colle à la peau ». Des titres portés par les voix qui s'imbriquent et s'éraillent, parfois à la limite de la justesse, mais qu'importe. Ce grain tendu nous offre les textes -quelques ligne à chaque fois- sur un plateau, nous emporte au-delà de la simplicité du propos et nous plonge au coeur de ces instants futils ou furtifs où « il ne se passe rien », où on aime « archiver des pages » voire « se satisfaire de sa propre merde ».
Même si à force de faire tourner la galette sur la platine certains titres tiennent moins le temps (« Cloaca » et le presque poussif « Aérosols ») on se trouve néanmoins confronté à un album classieux dans sa sincérité, humble dans son propos, attachant par son esthétique. Car il faut aussi souligner la qualité de la pochette avec son visuel atypique (illustration Didier Mazellier) et son parti-pris rouge et blanc du plus bel effet.
Faut-il s'attarder sur les quinze minutes du sinueux « Collecter les sons » qui selon l'humeur sera apprécié, compris, toléré ou simplement écourté ? Le coeur est un vrai morceau avec texte et mélodie biens ficelée, et l'habillage sonore nous entraîne loin sans tomber dans le bruitisme primaire. Selon l'humeur vous dis-je. Pour le reste n'importe quelle humeur fera l'affaire, c'est presque tout bon.
NB : une version CD est sortie en édition limitée début 2011. Par ailleurs le groupe a sorti un 7" cet été 2011.